Monday, 27 April 2020 10:06

Légendes

 

Certaines histoires ne sont pas fondatrices, mais elles créent de l’empathie parce qu’elles viennent redresser une situation ou remettre les choses en place. Ce sont des légendes. Autrefois, la différence entre le mythe et la légende était palpable et relevait du genre littéraire, mais elle s’est estompée avec le temps.
Boughandja est un carnaval pour provoquer la pluie. A-t-il quelque chose en commun avec toutes les danses des pluies qui vont du Maroc en Egypte ancienne, aux indiens d’Amérique en passant par les Balkans ? Est-il l’ancêtre des prières musulmanes pour provoquer des pluies lors des longues sécheresses ? Les hommes peuvent avoir des comportements semblables devant des situations identiques, même s’ils ne se sont jamais rencontrés.
Dans le comportement social, vers la fin de l’automne, s’il ne pleut toujours pas, les mamans préparent les enfants à faire la danse de Boughandja. On fabrique un éventail : deux louches forment les bras, une plus grande forme le corps, le dos de la tête maquillé formant le visage (souvent, on habille la louche d’une robe de petite fille). Les enfants du village se rassemblent et font du porte-à-porte en chantant, et quémandent des semoules, des légumes secs, des fruits confits, de l’huile et des gâteries (d’autres histoires de porte-à-porte existent en d’autres événements comme Ayrad de Tlemcen ou tislit n-ba’ama à Adrar).
Une maison du village est désignée pour faire la cuisine et cuir ce qui a été offert. Plusieurs femmes viennent proposer leur aide. Le repas est offert à tous les habitants du village et les passants occasionnels.
D’où vient une telle pratique ? Plusieurs histoires, selon les régions, sont à l’origine de cette scénette. La plus commune et la plus partagée est celle d’un homme qui avait une très jolie fille appelée Ghandja ou Loundja. Tellement jolie qu’il ne l’a jamais laissé sortir à l’extérieur de la maison, par peur du mauvais œil. Un jour que la sécheresse sévissait, sa fille sortit dans la cour. Le ciel, devant sa beauté, se voile et il se mit à pleuvoir.
A partir de là, les villageois supplient le père, à chaque saison de sécheresse, de laisser sa fille sortir pour qu’il pleuve. Devant leurs tracasseries, le vieil homme prend sa fille et disparait dans la nature. Personne n’en a plus jamais entendu parler. Mais à chaque grosse sécheresse, les enfants du village sortent chercher Boughandja, le père de Ghandja, en allant de maison en maison, pour lui demander de laisser sa fille sortir pour faire venir les pluies et nourrir la terre. Dans les maisons, Loundja n’est pas. Mais par compassion, les mamans donnent aux enfants un peu de nourriture.
Cette histoire, de Annaba à Tlemcen, d’Alger à Timimoun, conçue avec des contenus diversifiés, dans des langues différentes, des environnements différents et des traditions différentes, a le même objectif : faire tomber les pluies, mais aussi un accord entre l’humain et les forces invisibles de la nature. Les anciens racontent qu’à chaque sortie, les enfants ne sont pas encore rentrés qu’il se met à pleuvoir.
La beauté de l’histoire est rehaussée par des proverbes, des citations, des poésies et des chansons. Ce qui montre la richesse de chaque région décrite par le poème et les aspects artistiques de sa création orale.

Les images ci-après sont de Rouiba, Adrar et du Maroc.

 

Ouiza Galleze

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